dimanche 30 décembre 2007

Du côté de chez Swann

J'ai déjà parlé de ces petites phrases mélodiques qui vous restent en tête, que l'on trouve principalement chez Schumann. L'une de ces petites phrases est célèbre, bien que peu de gens la connaissent ! Il s'agit de la fameuse "petite phrase de la sonate de Vinteuil", chère aux amateurs de Proust car elle est l'un des leitmotive de "La recherche du temps perdu", roman on ne peut plus musical puisqu'on y parle de musique de bout en bout, et qui semble d'ailleurs composé comme un opéra de Wagner. Certes Vinteuil serait un assemblage de plusieurs compositeurs, mais il semble que Saint-Saëns en serait l'élément principal et que la petite phrase viendrait du mouvement lent de sa première sonate pour violon et piano (en écoute plus bas). Proust trouvait pourtant cette sonate médiocre, et il est vrai que l'on peut lui préférer la seconde sonate, le quatuor avec piano et les trios, mais les petites phrases ont un pouvoir d'attraction incommensurable : de vrais serpents à sonates ! (voir commentaire)
Pour terminer, j'ajouterai qu'il est dommage de snober Saint-Saëns, sa musique vaut mieux que l'image de veille barbe académique qu'il traine derrière lui ; rendez-lui visite, en commançant par la musique de chambre, vous ne serez pas déçus.

samedi 29 décembre 2007

J'me sens si bleu !

Entre deux réveillons, rien de tel qu'un peu de hard bop pour se remettre d'aplomb. Il me faut un trompettiste, qu'on aille me chercher un trompettiste ! Ah, mais celui-ci est tout bleu ! Il a plongé dans l'eau glacée, ou bien sa mère a frayé avec un schtroumph ? Allez, ça ira, va... c'est même parfait !
Qu'est-ce que Blue Mitchell a que les autres, Hubbard, Byrd ou Morgan n'ont pas ? Rien... à part peut-être un supplément d'âme dans les morceaux lents, les morceaux de fin de nuit, quand le canapé commence à se gondoler. Dans celui-ci, par exemple, Blue tuttoie les anges, les embrasse à pleine bouche et, comment dire... Blue touche !
Mona's mood (tiré de "The thing to do", 1964) :

vendredi 28 décembre 2007

La guitare qui rêvait d'être un hélicopter

Grâce à Quentin Tarrantino et à Pulp Fiction, tout le monde connait "Misirlou" par Dick Dale and the Deltones. Quant à moi, la première fois que je l'ai entendu, j'ai pensé à un groupe punk ayant abusé de la téquila et tentant de se reconvertir en mariachis. Je suis tombé sur le cul quand j'ai appris que cette musique était en fait de la surf music remontant à 1962 ! Eh oui, cette énergie existait déjà 15 ans avant les punks, elle existait même avant les Stones !
Dick Dale était alors appelé "The King of the surf guitar", et sa réputation était loin d'être surfaite dans le milieu des surfeurs ! En plus de décoller la pulpe du fond, la musique de Dick Dale incorpore des éléments de musique folklorique, hérités de sa mère libanaise et de son père polonais. En voici un exemple : "The Victor".

mardi 18 décembre 2007

Joyeux noël de la part de Schubert et Klimt

Certes, il ne s'agit pas à proprement parler d'un chant de noël, mais au moment de penser à un chant sacré, c'est Schubert qui m'est venu à l'esprit. J'aurais pu céder à la facilité et vous balancer une vidéo de Pavarotti occupé à l'Avé Maria. Tt, tt... j'ai dit pas de tube ! Alors j'ai choisi une petite merveille méconnue : "Tantum ergo" D962. Si je ne m'abuse, docteur, "tantum ergo sacramentum" doit signifier quelque chose comme "prend ta canadienne et va à Sacramento".

Joyeux noël de la part de Louis Armstrong

Quelle plus belle voix pour un chant de noël ? "Christmas night in Harlem"

Joyeux Noël de la part de Tom Waits

Voici un "chant de noël" politiquement incorrect : "Christmas card from a hooker"

samedi 15 décembre 2007

C'est en Messiaen qu'on devient Messie

La première fois que j'ai entendu une oeuvre d'Olivier Messiaen j'ai eu un choc. C'était la Turangalila-symphonie et, jusque là, je pensais que la musique contemporaine était ennuyeuse et intello. Au contraire, Messiaen est dans la lignée de Debussy, il fait de la musique sensuelle, une musique qui parait à la fois étrange et naturelle, comme si elle émanait de la nature elle-même, du cosmos et des étoiles. Sun Ra saura s'en souvenir, et il est probable qu'il ait croisé Messiaen quelque part aux abords de Jupiter.
La Turangalila-symphonie est une oeuvre pour orchestre et deux solistes : piano et ondes Martenot, un oscillateur électronique au son très reconnaissable qui vous donne l'impression de dériver dans l'espace. J'ai sélectionné deux extraits, le premier pour cette violente explosion de pure joie, et le second pour son aspect planant (et si Messiaen avait inventé le New Age avant tout le monde ?).

mardi 11 décembre 2007

Il faut le voir pour le croire

Entendre parler de Rahsaan Roland Kirk c'est une chose, écouter ses disques ne choque pas l'oreille, on a entendu plus bizarre, et de loin ! Mais le voir sur scène...
Non, vous ne rêvez pas, il joue bien de deux flûtes en même temps, une traversière par la bouche (c'est l'un des plus grands flûtistes de jazz, avec Yusef Lateef), et une flûte à bec par le nez ! Ne vous étonnez pas non plus de le voir distribuer du tabac à priser (ou du shit, pour ce que j'en sais) aux spectateurs. Rien de surprenant non plus s'il joue, vers la fin de cette vidéo, de trois saxophones à la fois, il est coutumier du fait. Quant à son allure de sorcier vaudou ou de shaman préhistorique, avec ses instruments bricolés qui semblent faits d'os, sa robe jusqu'aux pieds et son chapeau de trois mètres de haut en peau de Demis Roussos, on a vu pire comme extravagances, dans le rock par exemple.
Non, ce qui est vraiment, mais alors vraiment surprenant, c'est qu'il ait embauché Régis Laspalles comme percussionniste ! Encore que... non, c'est vrai, après tout : il est aveugle !

dimanche 9 décembre 2007

Leur nom est Amour...

... Et ça sonne un peu neuneu, non ? Pourtant ce groupe est tout sauf fleur bleue, certains morceaux annoncent même le punk. Soyons péremptoire : Love est le meilleur groupe de rock psychédélique américain, meilleur que les Doors, meilleur que Jefferson Airplane, infiniment meilleur que le Grateful Dead ! Leur musique a été qualifiée de rock baroque et c'est tout à fait ça. Pour commencer, c'est très varié, entre folk, rock'n'roll et garage. Le chanteur compositeur Arthur Lee est tourmenté, constamment sous acide et sa musique est profondément originale, tout en étant alternativement mélancolique et mélodique, puis très énergique.
En 1967 sort leur troisième album, "Forever changes", l'un des plus grands albums de rock de tous les temps. Les arrangements sont magnifiques et d'une extrème finesse, Lee et sa bande se sont même payé l'orchestre philarmonique de Los Angeles. Payé ? Euh... non justement, ils sont poursuivis par leurs créanciers. Il faut dire qu'aucun de leurs trois albums n'a eu de succès public ; seule la critique (et la postérité leur donnera raison) a adoré. L'acide n'aidant pas, le groupe n'est pas un modèle de stabilité. A l'époque de Forever changes, ils vivent dans la maison de Bela Lugosi à Hollywood et sont sous l'influence du LSD. Le groupe éclate après que le guitariste Bryan MacLean ait survécu à une overdose et que deux autres membres aient été emprisonnés suite à des rapines dans des magasins de beignets, camés jusqu'aux yeux.
En écoute : "The red telephone", tiré de "Forever changes" que tout amateur de rock se doit d'avoir dans sa discographie.

samedi 8 décembre 2007

Si tu vas à Rio, n'oublie pas d'emmener ton saxo

Cette video est une petite merveille : en plus d'entendre "Jive samba", l'un des tubes de Cannonball Adderley, présenté comme n'ayant pas encore de nom et appelé "Bossa nova nemo", on a le droit, après quelques considérations sur la musique populaire, à une présentation du sextet par Cannonball. Et par dessus tout, Yusef Lateef en solo à la flûte... un régal !

mardi 4 décembre 2007

Mingus au piano

Mingus a commencé avec Art Tatum et celui-ci lui a tout appris de son jeu de piano. Certes, on a toujours un a priori quand un musicien change d'instrument, surtout lorsque cet instrument fait partie de la rythmique : passer du saxophone ténor au saxophone soprano est légitime mais passer de la contrebasse au piano est suspect.
Mais Mingus n'est pas n'importe qui : pour commencer, c'est l'un des plus grands compositeurs du jazz moderne, et tous les compositeurs composent au piano. De plus, sans avoir la virtuosité de Tatum, il a un style très original et suffisamment de technique pour être capable d'enregistrer tout un album en solo, sans rythmique. De tout façon, qui aurait fait la basse ?
Pour preuve de l'intéret que peut avoir ce disque, voici un morceau au titre étrange : "She's Just Miss Popular hybrid" :


lundi 3 décembre 2007

L'oeil du zombie

Il existe un groupe des années 60 qui tient la comparaison avec les Beatles et les Beach Boys pour leurs mélodies. Ce groupe est malheureusement resté relativement méconnu : il s'agit des Zombies. D'eux il ne reste qu'un grand hit : "She's not there", repris notamment par Santana, et surtout une pure merveille, l'un des plus beaux disques de pop de tous les temps : "Odessey and oracle", paru en 1968 et passé inaperçu à l'époque.
Tout, sur ce disque est magnifique, choisir un extrait est un crève-coeur. Après avoir changé d'avis trois fois, je vous propose "Hung up on a dream" :
Au moment où cette merveille sort, le groupe a déjà explosé. Le guitariste Rod Argent et le chanteur Colin Bluntstone poursuivent chacun leur carrière de leur côté. Le groupe Argent se tourne vers un rock moins mélodique, plus hard, alors que Bluntstone continue dans la veine des Zombies. Argent offre peu d'intéret mais les deux premiers album de Colin Bluntstone, "One year" et "Ennismore" sont tous les deux de purs chefs-d'oeuvre.
La voix de Bluntstone est magnifique et les superbes arrangements font intervenir un quatuor à cordes. Ces deux albums sont presque du niveau de ceux de Nick Drake ! Presque ? Oui, quand même, il ne faut pas exagérer, le style est daté, alors que Nick Drake est intemporel.

Do you want some more ? " I want some more", tiré de "Ennismore" (1971) :