dimanche 29 mars 2009

Remettons ça, Annette !
















Des expérimentations de Paul Bley avec Annette Peacock, il reste heureusement quelques traces en concert, datant de l'année 71. Avec un peu de chance, on peut donc trouver "Dual Unity", qui relève plus du krautrock que du free jazz, ou alors, plutôt du jazz frit ! Ou encore "Improvisie", qui s'apparente à de l'ambient. Tout cela fait beaucoup penser aux premiers disques de Faust ou de Kraftwerk.
Un exemple ? Accrochez-vous, nous traversons une zone de turbulences, voici "Gargantuan encounter", tiré de "Dual Unity" :

dimanche 22 mars 2009

Paul Bley et ses muses



Quelque part à mi-chemin entre Keith Jarrett et Cecil Taylor, et peut-être oscillant entre les deux, se trouve un pianiste magnifique qui peut satisfaire ceux qui sont fatigués de l'exhibitionnisme de l'un et effrayés par la radicalité de l'autre. Je veux parler de Paul Bley.
Avant tout, Paul Bley est un instrumentiste virtuose. A cinq ans, il est déjà un prodige du violon, à huit ans il commence le piano et entre au McGill Conservatorium de Montreal, à onze ans il obtient son diplôme. A 23 ans (en 1953), après avoir joué à la télévision canadienne avec Charlie Parker himself, il enregistre son premier disque en trio avec rien de moins que Charles Mingus et Art Blakey ! C'est lui qui mettra le pied à l'étrier à Ornette Coleman, en l'engageant avec Don Cherry, Charlie Haden et Billy Higgins en 1958, au Hillcrest Club de Los-Angeles.
Pour ce qui est de la composition, Paul Bley s'en remet à ses femmes, Carla Bley pour commencer, puis Annette Peacock, toutes deux formidables créatrices et innovatrices. Voici un bel exemple composé par Carla : "Ida Lupino", morceau tiré de l'album en solo "Open to Love" (1972), qui a, très certainement, fortement influencé Jarrett :
Pour se faire une idée de l'originalité d'Annette Peacock, bien moins célèbre que Carla, il faut s'écouter cet album incroyable et malheureusement difficile à trouver : "The Synthetiser show" (1970). Cet album est ni plus ni moins qu'un cas extrèmement rare de krautjazz. Il faut dire qu'Annette Peacock est une pionnière de la musique électronique, l'une des premières à avoir utilisé un orgue Moog et à avoir trituré électroniquement sa voix. En voici un extrait :
En dix ans de mariage, pour Carla Bley (1957-1967) et cinq ans, pour Annette Peacock (1967-1972), ces deux femmes auront eu une profonde influence sur la musique de Paul Bley. Dans chacun de ses disques on trouve une bonne proportion, si ce n'est la totalité de morceaux composés par ses deux muses.
J'ai déjà parlé, dans ce blog de Carla, il faut maintenant que je fouille un peu pour préparer une prochaine note sur Annette. A suivre donc...

Terminons par une vidéo, période Starsky & Hutch, pour faire un peu plus le tour du bonhomme :

dimanche 15 mars 2009

Cordes & âmes : Nuances d'Hongrie

Le Z-Band, collectif de blogueurs passionnés de jazz, se réunit à nouveau aujourd'hui sur le thème des guitaristes, et je n'ai pas pu faire autrement que de parler encore une fois de ma passion pour Gabor Szabo.

Le premier guitariste qui m'ait marqué est Manitas De Plata, dont mes parents avaient un disque. C'est un virtuose gitan qui a eu son heure de gloire et dont le surnom signifie ''mains d'argent''. Ce qui m'a fasciné dans sa musique, outre la virtuosité, c'est le côté trippant, cette espèce d'urgence qui vous fait décoller et respirer plus vite. Ecoutez-moi ça, et vous allez comprendre :

Plus tard, bien sûr, j'ai écouté Django Rheinhardt. Mais, malgré toute mon admiration pour lui, je n'ai jamais pu vraiment prendre plaisir à écouter cette musique, le swing (en pleine période bop, en plus !). Django en trio, ça me va. Quand Grappelli arrive, déjà je tique un peu (trop de pathos !), mais si une clarinette se pointe, alors là non, je fuis !
Il aura fallu un moment avant que je pense avoir trouvé le guitariste qui me convient le mieux : Wes Montgomery et son merveilleux jeu de pouce et, surtout, ce son de guitare que j'adore. En plus de cela, Wes avait su ne pas se cantonner au strict jazz.
Pour moi, la guitare jazz, c'est rapidement soporifique. Pour que ça m'intéresse, il faut que le guitariste s'encanaille dans le r'n'b, la pop, le rock ou la world music. Prenez Metheny, en voilà un qui a tout compris, il sait satisfaire les puristes avec de magnifiques albums que l'on écoute une fois l'an, admiratif, et aussi un public plus large avec le Pat Metheny Group, au sein duquel, visiblement, il s'éclate, et nous aussi ! Tout guitariste de jazz devrait se permettre, au moins de temps en temps, des écarts de ce genre. Et quelqu'un devrait souffler l'idée à Pat Martino, dont on dit qu'il est un guitariste pour guitaristes. C'est peut-être parce que je ne suis pas guitariste que je n'arrive pas à écouter l'un de ses disques jusqu'au bout (à part, éventuellement, le premier).

Pendant longtemps donc, ce fut Wes, Wes et encore Wes et, au moins autant : Santana. C'est en lisant une bio de ce dernier que je suis tombé sur cette information surprenante et capitale : la principale influence revendiquée par Santana est un guitariste d'origine hongroise au nom improbable de Gabor Szabo. A l'époque, le seul album de Gabor Szabo que j'ai pu trouver était "The sorcerer" (1967) et, à son écoute, j'ai pris l'une des plus grandes claques de ma vie de mélomane, une claque dont j'ai encore les marques, qui ne sont pas prêtes de s'effacer. J'avais trouvé mon guitariste idéal : le mélange parfait entre le trip de Manitas de Plata et le jeu de Wes Montgomery, et comme référence première, bien sûr : Django !
Si c'est la période la plus jazz de Szabo qui vous intéresse, il faut aller le chercher chez Chico Hamilton, dans le quintet duquel il a joué de 1961 à 1966, en compagnie de Charles Lloyd. Certains albums du Chico de cette époque peuvent presque être considérés comme des albums de Szabo, tant il y est omniprésent. En voici un exemple, tiré de "El Chico" (1965) :

En 1966, Szabo, qui est ouvert à tout type de musique, tombé amoureux de Lennon et McCartney, ne cesse de harceler Hamilton pour qu'il mette à son répertoire des titres des Beatles. "Allez, sois chic, oh Chico !" lui dit-il, "laisse-moi jouer Yesterday". Tous les jours, c'est du "Chic, oh Chico" par ci, "Chic, oh Chico " par là. On peut supposer qu'un jour, excédé, Chico a mis le ton et lui a dit : "Moi vivant, jamais ! ", puisque c'est cette année-là que Gabor quitte Chico et sort son premier album, "Gypsy '66", qui s'ouvre sur... "Yesterday".
La liste est longue, des reprises des Beatles par Szabo, on en trouve sur presque chaque album. Vous en voulez un exemple ? Voici, peut-être le meilleur : "Lucy in the sky with diamonds" tiré de l'album "More sorcery" (1967), le seul qui me manque (sob !).

Mais Szabo ne reprend pas que les Beatles, vous trouverez aussi des reprises de Donovan, des Doors, de Joni Mitchell, de Bobby Womack ("Breezin'" a été composé par Womack, pour Szabo), des Four Tops etc... et, bien sûr, des thèmes traditionnels hongrois, mais aussi des expériences de raga indien ou des adaptations de thèmes classiques. Bref, la variété au sens noble du terme.
Pour ceux qui voudraient découvrir, chez Szabo tout est bon sauf deux albums calamiteux : "Sympatico", avec Gary McFarland, sur lequel, malheureusement... ils chantent, et "The Wind, the Sky & Diamonds", avec un horrible groupe de chanteurs californiens qui rendent l'ensemble quasi inécoutable.
Pour ce qui est du meilleur, maintenant, je recommande particulièrement "High contrast" (1971) qui démarre sur "Breezin'", pour ensuite ne jamais atterrir, et vous laisser dans un état avancé d'euphorie. Attention, ne pas écouter avant d'aller dormir !
Une fois pris, impossible de s'en passer. Pas une semaine sans que j'écoute au moins un disque de Gabor Szabo, et c'est le seul artiste de mon immense collection dont je puisse dire cela !
Pour terminer, vous voudriez peut-être le voir jouer ? Voici une superbe video tirée de la télévision hongroise, qui donne un bon aperçu de sa technique :

N'oubliez pas d'aller voir les autres contributions du Z-Band ! Au menu :

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dimanche 8 mars 2009

Vous reprendrez bien un peu de daube ?

Les limites de la daube issue des rangs des ex hard-boppers sont, pour moi, atteintes lorsque leur musique cesse d'être purement instrumentale. Quand, par exemple, Bobbi Humphrey, superbe flûtiste, se met à chanter, c'est une catastrophe ! Pas seulement parce qu'elle chante comme une casserole sans manche, mais surtout parce que la voix, mise en avant, cache tout le talent qu'il y a derrière, chez les instrumentistes.
Sur cet ultime album de Blue Mitchell, ça va encore. Ce ne sont que des choeurs et ils ne sont, clairement pas, en avant ! Quant au principal titre, "Summer Soft", de Stevie Wonder, je n'y vois rien à redire. Il y a, à cette époque (1978), dejà plus de 10 ans que le jazz a commencé à mettre à son répertoire les perles de la pop, des Beatles, de Simon & Garfunkel, de Stevie Wonder, de Carole King etc.
Amusez-vous à tester vos limites sur ce titre. Quant à moi, je me régale en ce moment de Paul Bley, ce qui ne m'empêche pas de reprendre encore un petit peu de daube, surtout lorsqu'elle vient de l'un de mes trompettistes favoris.

Le Summer Soft de Blue Mitchell n'étant plus disponible, je vous mets ça à la place :

dimanche 1 mars 2009

Commercial ?...Peut-être, mais Grant !

La critique jazz a beaucoup reproché à certains artistes de Blue Note de s'écarter du hard bop et du soul jazz au début des années 70, et de mettre trop de r'n'b ou de pop dans leur mixture. Il est vrai que c'était pour eux un moyen de vendre plus de disques et d'arrondir leur fin de mois. Mais on passe sous silence le plaisir qu'ils ont pu avoir à jouer ces morceaux aux thèmes accrocheurs, que l'on aime toujours fredonner. N'oublions pas non plus qu'en jazz, le thème n'est pas l'essentiel, il n'est que le point de départ de l'improvisation et donc de la création.
Le disque "Visions" (1971), de Grant Green, a fait partie de cette production méprisée et, avec le recul, on se rend compte qu'il est très agréable à écouter. Il y a quelques années, j'aurais moi même rejeté un disque qui comporte dans sa liste de titres "Mozart's Symphony #40 in G minor" ! Mais après tout, ce n'est pas plus bête d'improviser à partir de ce thème qu'à partir de n'importe quel thème, tout aussi connu, de Gershwin, c'est juste moins courant.
Un petit aperçu video (sans images) de ce disque, que je recommande, bien qu'il soit pratiquement introuvable : le superbe "Maybe tomorrow".