dimanche 28 juin 2009

Oh, et puis kraut !


Pour ma dernière note avant de prendre des vacances bien méritées et me sevrer d'internet, j'ai choisi de vous parler de Popol.
Je sais, vous vous dites :"ça y est, on est en train de le perdre !"
Que voulez vous, il est difficile de trouver une accroche sérieuse pour parler d'un artiste qui s'appelle Fricke, dont le nom de groupe est Popol Vuh, et qui joue du krautrock !

Pour commencer, "Popol Vuh" n'est pas, comme on pourrait le croire, un code de la police allemande pour dire "j'ai repéré un exhibitionniste". Il s'agit du nom du livre sacré des mayas. Ah ! ça a plus de gueule, tout d'un coup, non ?
Poursuivons... "Fricke" ne se prononce pas "fric" mais "friqueu". Aïe, je me rend compte en l'écrivant que ça nous rapproche de popaul... passons !
Quant au terme "krautrock", il signifie "rock choucroute" mais, rappelons nous que les termes "jazz", "funk", "punk", sont aussi des appellations très péjoratives à l'origine.

Parlons donc un peu de popol Vuh, dont le leader est le mystique Florian Fricke ! A vrai dire, j'envie ceux qui ne le connaissent pas encore et qui vont le découvrir. Pour moi, ce groupe, comme beaucoup d'autres groupes de krautrock, enfonce tout le progrock anglo-saxon. Et je vous dis ça, moi qui adore Soft Machine, Henry Cow, Hatfield and the North, et autres King Crimson ! Pour commencer, les groupes de kraut avaient à leur disposition les meilleurs ingénieurs du son de l'époque (qui travaillaient avec Stockhaüsen !), alors que le rock anglais donne l'impression d'avoir été enregistré avec un micro placé dans un seau d'eau. Le son des disques de Popol Vuh est extraordinaire et contribue au fait que leur musique n'ait pas pris une ride.














Le style, maintenant. Premier disque en 1970, "Affenstunde" (l'heure des singes) est un mix de musique cosmique et tribale, unique en son genre à ma connaissance. Ensuite, "In den Gärten Pharaos" est un grand trip psychédélique et un sommet du genre. Les disques suivants relèvent tous de l'ambient, mais une espèce de contraire de la dark ambient, une bright ambient, en quelque sorte. Même lorsqu'ils enregistrent la bande son du Nosferatu de Werner Herzog (qui les a embauché sur la plupart de ses films), ils font une musique éthérée et lumineuse. Il y a fort à parier que, si Ridley Scott avait fait appel à eux plutôt qu'a Vangelis pour "Blade Runner", le film n'aurait pas pris le même coup de vieux !

Pour terminer, deux superbes exemples : "Ah !", tiré de "Hosianna Mentra", l'un des disques les plus poétiques que je connaisse, et "Morgengruss II", qui a notamment servi pour la bande son de "Aguirre".

dimanche 21 juin 2009

A choeur et à voix : Jeanne Lee

Le Z-Band se regroupe, encore une fois, pour parler des voix du jazz, et j'ai choisi d'évoquer la grande Jeanne Lee.


Il y a très peu de chanteuses de jazz qui m'intéressent ; trois, en fait, chacune menant à la suivante de façon naturelle : Billie Holiday, Abbey Lincoln, Jeanne Lee.
Billie va directement au coeur, à l'âme et aux tripes : elle n'est pas seulement émouvante, elle est bouleversante.
Abbey Lincoln, c'est le passage au jazz moderne, revendicatif, fortement politique et débarrassé de l'obligation de plaire au plus grand nombre.

Voyons comment Jeanne lie ces deux artistes à son propre art :

" La personne qui m'a laissé la plus grande impression, par sa façon de vivre, autant que par la manière dont elle utilisait sa voix est Abbey Lincoln. Pour la crédibilité de son art, et sa propre réalité, et pas tant que ça comme un 'style'. C'était comme utiliser l'énergie comme une peinture. Billie Holiday aussi, mais elle vient d'une autre ère. Billie possède la même sorte de chose, musicalement, mais Abbey fait progresser cette sorte de compréhension. Abbey est plus humaine, ce n'est pas juste une femme qui est victime de son rôle. Cette femme a rendu possible pour moi d'avoir foi en le fait que je suis une poète et que je n'avais pas à chanter des standards pour être une chanteuse de jazz. Je pouvais trouver une voie en transcrivant ma propre perception en termes musicaux."

Et il faut bien se rendre à l'évidence , Jeanne Lee est la seule et unique virtuose de son instrument : sa propre voix. Elle passe délicatement l'archet sur ses cordes vocales, et vibre de toute son âme. En fait, ce n'est finalement pas du jazz vocal mais bien instrumental ; le chant de Jeanne étant plus proche d'un solo de saxophoniste que de celui d'une banale chanteuse de jazz. Il ne s'agit pas de scat vocal, qui n'est somme toute qu'une imitation de l'instrument par la voix, mais bien d'un instrument à part entière.
Des spécialistes se sont penchés sur sa technique, ou plutôt ses techniques , de chant. Certains ont dit son style influencé par celui de la chanteuse péruvienne Yma Sumac, dont la formidable voix couvrait 4 octaves et demi. Mais il n'est pas nécessaire d'être musicologue pour l'apprécier, il suffit de se laisser porter par la beauté de l'improvisation, sans chercher à comprendre le sens des paroles.
Une chose est sûre : Jeanne lit, et écrit ! Elle prend souvent comme point de départ de son improvisation un poème dont elle triture le sens, les sons, le rythme. Et ce qu'elle en fait est unique dans le jazz. Voici un poème de son invention, tiré de "Conspiracy" :
"THE MIRACLE IS"
The miracle is... that the layers continue
to be stripped away each time uncov'ring
a center more brilliant and revealing
than the one before.
Amazing... that this should be the way
our love our knowledge and our lives
keep
unfolding
together
leaving us constantly renewed.
Knowing you exist anywhere in this universe
makes my world that much larger
and that much more filled
with light.

Bon , c'est bien joli tout ça, mais où trouver des disques de Jeanne Lee ? Eh bien... il y en a peu ! Sous son nom, à vrai dire, il n'y en a que deux : "Conspiracy" en 1974 et "Natural affinities" en 1992. Il faut dire que la dame est tout aussi intéressée par la poésie et la chorégraphie que par la musique, et on la trouve surtout sur les disques des autres. Avec Ran Blake, avec qui elle a commencé en 1961 ("The newest sound around", un disque qui fit grande impression), Mal Waldron, et surtout Gunther Hampel, son mari. On la trouve aussi chez Braxton, chez Roland Kirk, Cecil Taylor...
Trois grands chef-d'oeuvre du free jazz n'auraient pas été ce qu'ils sont sans sa présence : "Escalator over the hill", l'opéra-jazz de Carla Bley, "Afternoon of a Georgia faun" de Marion Brown et, mon favori , "Blasé" d'archie Shepp.


Un extrait de "Blasé", pour donner envie : "There is a balm in Gilead"".


Au menu de cette édition du Z-Band :

Jazz Frisson
: Karen Young
Jazz à Paris : Jazz Divas
Jazz O Centre : Patricia Barber
L’Ivre d’Images : Anthony Joseph and the spasm band
Maître Chronique : Kurt Elling
Belette & Jazz : Petra Magoni (musica nuda)
Ptilou’s blog : Elizabeth Kontomanou

dimanche 14 juin 2009

Côte ouest, mais pas West Coast !


Quand je vois que l'on range le Chico Hamilton Quintet dans la catégorie West-Coast, sous prétexte qu'il était basé à Los-Angeles, ça m'énerve !
Pour moi, le West-Coast, c'est un jazz d'imitateurs blancs, tout dans la pose romantique du jazzman torturé, jouant des ballades déchirantes dans un bar enfumé.
C'est au jazz ce que Bernard-Henri Levy est à la philosophie : enlevé le col de chemise blanc, il ne reste rien !
Le West-Coast, c'est du jazz qui n'évolue pas, qui n'invente pas ; du jazz momifié, mais une momie bien propre, avec les bandelettes bien blanches et bien parallèles.

La musique de Chico a beaucoup évolué au cours des années, et si l'on veut cataloguer ce premier disque, "Spectacular", enregistré en 1955, il faudrait plutôt le rapprocher du Third Stream, mélange de classique et de jazz. On trouve d'ailleurs sur ce disque un violoncelliste, Fred Katz, et le superbe multi-instrumentiste Buddy Collette (qui fut le professeur de Mingus), à la flûte traversière, dont il joue d'une façon très "musique classique". A la guitare : non moins que Jim Hall.

Chico a toujours eu dans son quintet un multi-instrumentiste jouant de la flûte et un guitariste ; c'est avec lui qu'ont débuté Eric Dolphy, Charles Lloyd, Gabor Szabo, Larry Coryell, j'en passe, mais des moins bons !

Les disques de Chico Hamilton sont toujours à découvrir, ils sont réédités au compte-goutte. Le fait qu'il soit si difficile de trouver ses albums avec Eric Dolphy, par exemple, me laisse songeur.

En attendant, celui-ci est un classique, alors ne boudons pas notre plaisir. Ecoutons ce que le vent nous apporte : "The Wind" :

dimanche 7 juin 2009

Capitaine "Coeur de boeuf"

J'ai pas trop le temps aujourd'hui ! Voici, en tout cas, ce que je suis en train d'écouter en ce moment : "Mirror Man" de Captain Beefheart. Une musique trippante et roots à la fois, que l'on pourrait qualifier, en doutant d'être compris, de krautblues !