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Rahsaan Roland Kirk a attiré l'attention sur lui en jouant de plusieurs instruments à vent simultanément. Mais s'il l'a fait, ce n'est pas dans l'intention de se faire remarquer, il en éprouvait tout simplement le besoin. Aux Etats-Unis, les réactions du public et de la critique ont été du genre : "Qu'est-ce que c'est que ce clown qui joue de trois saxophones à la fois ?". Etant aveugle, il ne pouvait pas voir le visage stupéfait des spectateurs qui le découvraient pour la première fois. En Europe il a vraiment été écouté et apprécié à sa juste valeur.
Bien sûr, ce type de jeu implique des instruments trafiqués et une technique adaptée. Kirk a développé une technique proprement époustouflante, à base de doigtés ingénieux et de respiration circulaire. A François Postif qui lui demande comment il fait pour respirer, il répond : "par les oreilles". Le plus incroyable, c'est que cette technique ne se remarque pas de l'auditeur, on croit tout simplement entendre plusieurs instrumentistes là où il n'y en a qu'un !
De plus, la musique de Kirk, tout en étant très inventive techniquement, ne sort pas des limites du jazz mainstream post-bop ; il swingue toujours et ne flirte pas avec le free. Imaginez un artiste plus aventureux, comme Ornette Coleman, avec cette technique !
Roland Kirk est aussi l'un des rares flûtistes du jazz et, pour la petite histoire, c'est après avoir entendu "Serenade to a cuckoo" (1964, en écoute plus bas) que Ian Anderson se mettra à apprendre la flûte en autodidacte et formera Jethro Tull.