Abbey Lincoln aurait pu se contenter d'être un clone de Billie Holiday, même genre de voix, un peu étriquée, imparfaite mais tellement plus émouvante que les grandes voix du jazz à large tessiture que sont Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan. En fait, c'est ce qu'elle faisait à ses débuts, dans les clubs ou elle chantait et sur ses tout premiers albums.
Et puis, elle a rencontré Max "Pygmalion" Roach, qui a su la faire monter d'un cran, la faire passer d'une sous-Billie, aussi talentueuse soit-elle, à Abbey Lincoln, telle qu'on la connait, unique et originale. Elle s'est mise à choisir ses chansons pour leurs paroles, pour leurs significations, faisant tout pour leur donner du sens. Ce faisant, elle s'est encore rapprochée de Billie, celle qui chantait "Strange fruit" avec une telle intensité dramatique que c'en devenait bien plus qu'une simple chanson.
Malheureusement, Abbey se fait rare. Après trois album banals, elle enregistre trois chefs d'oeuvre en trois ans (1959, 1960, 1961) : "Abbey is blue", au titre suffisamment parlant, "Freedom Now Suite" avec Max Roach, et "Straight Ahead" avec Coleman Hawkins, Eric Dolphy, Booker Little, Mal Waldron, Max Roach évidemment, excusez du peu... Il va falloir ensuite attendre 1973 pour un nouvel album : "The people in me", une merveille dont je parlerais plus tard.
Pour l'instant, je mets en écoute un morceau de Mongo Santamaria que tout le monde connait sous les arrangements de Coltrane : "Afro blue", dont c'est la première version chantée. Il est bien sûr tiré de "Abbey is blue".
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