En choisissant d'intituler son premier disque "3 compositions of new jazz", c'est le jazz qu'Anthony braque...stone. Et en fait, non... même pas stone, très lucide et conscient, au contraire. Il savait ce qu'il allait déchaîner contre lui ; cette musique n'est pas du jazz ! Reste deux options : ce n'est pas du jazz, donc c'est de la merde, et c'est l'opinion de beaucoup de jazzmen mainstream de l'époque, ou alors, ce n'est pas du jazz et pourtant c'est de la musique géniale, opinion certes moins répandue, en dehors des milieux free, bien entendu. Il reste une troisième option, celle qui prévaut 40 ans plus tard : c'est du jazz et c'est au jazz ce que les Demoiselles d'Avignon sont à la peinture, le point de départ d'une évolution fulgurante qui mènera l'art au point de non retour.
S'il est impossible à l'heure actuelle d'innover dans le jazz, c'est la faute à Braxton : il a tout fait ! Il a notamment été le premier à enregistrer un album entier de saxophone solo, "For alto" en 1968, son deuxième album. Le moins que l'on puisse dire est qu'il est périlleux de pénétrer dans son univers par cette porte étroite. Si vous sautez les étapes, vous balancerez ce disque dans le feu au bout de cinq minutes.
Il est plus aisé de commencer par l'un de ses disques hommages à ses inspirateurs : Monk, Tristano, Parker. Ensuite, plongez dans les albums de groupes : Circle, avec Chick Corea (surprenant non ? Chick voulait sortir du jazz fusion de Miles Davis, avant d'y retourner en créant Return to Forever, et Braxton voulait sans doute profiter de la notoriété de Corea pour toucher un public un peu moins confidentiel...), et surtout Creative Construction Company, avec notamment le pianiste Muhal Richard Abrams et le violoniste Leroy Jenkins.
Ensuite, une fois que l'on est pris, on n'en décroche plus, tout est intéressant, varié et original.
A part ça, que peut-on dire de Braxton ? Eh bien, c'est un peu le prototype de l'intellectuel en musique dans les années 70. Il en est même presque caricatural : petites lunettes rondes, rouflaquettes, pipe... pour les sandales en cuir, je ne sais pas, on ne voit pas ses pieds sur les photos. Influencé principalement par des saxophonistes (Coltrane, Dolphy, mais aussi Desmond et le Warn Marsh de chez Tristano), il a étudié la musique classique et la composition. Ses petits camarades du jazz auront d'ailleurs beaucoup de mal à lui pardonner sa passion pour Cage, Stockhausen & co (non, ce n'est pas le cabinet d'avocats d'Ally McBeal !). En plus de ça, il a l'agaçante habitude d'affubler ses compositions de titres obscurs qui sont, selon lui, des formules de mathématiques (N-M488-44M Z, par exemple, a tout pour devenir un tube !) et qui rendent les discussions entre passionnés assez étranges.
Afin de ne pas plomber ce blog, je mets en écoute un morceau, "Piece three", tiré de l'album "Creative Orchestra Music" (1976), qui n'est pas d'emblée rebutant pour les oreilles non éduquées. C'est même une espèce de pied de nez, une marche, genre clique de patronage laïque qui commence, à partir d'un moment, à patiner puis à partir en vrille comme si les musiciens étaient bourrés. Alléchant, non ?
Je suis émerveillé par votre amour du jazz et votre travail sur ce blog pour le "service du culte"... Peut-on être tenu au courant, genre newsletter ? Je n’ai pas trouvé d’adresse mail pour vous le demander en direct alors je passe par ce commentaire. Merci de me donner le chemin vers une adresse mail…
RépondreSupprimerRobermar
PS : ai écrit aussi au sujet d'Airto...
La meilleure façon d'être tenu au courant est le lien RSS qui apparaît à droite en orange dans la barre d'adresse. J'évite de donner une adresse mail sur mon blog car elles sont scannées par de vilains logiciels qui vous inondent ensuite de spam !
RépondreSupprimerOK c'est noté et... fait !
RépondreSupprimerThanks a lot. Keep the spirit...