lundi 12 novembre 2007

Black is beautiful

Le jazz est la musique des noirs américains et, depuis le début, il a été récupéré et dénaturé par les blancs. Le but : faire du fric en adaptant cette musique si étrange aux gouts du public blanc, nourri de musique européenne et mal à l'aise avec les rythmes venus de l'Afrique. Evidemment, il ne s'agit pas de mettre tous les musiciens blancs dans le même panier, pour la plupart, ils le faisaient essentiellement par admiration pour la musique noire. Mais rapidement, les organisateurs de concerts, puis les producteurs de disques, ont amplifié le phénomène dans un but plus lucratif qu'artistique. Aux temps du swing, la plupart des orchestres blancs à succès jouaient un jazz très encadré, laissant peu de place à l'improvisation et à l'invention ; plus tard, en enlevant au bebop son côté tragique, pour ne pas dire destroy, le cool jazz et le west-coast jazz ont aussi eu beaucoup de succès auprès du public blanc ; Dave Brubeck et Chet Baker faisaient plus d'audience que Charlie Parker et Miles Davis ! Et la critique, essentiellement blanche aussi... suivait le mouvement. Un courant du jazz a échappé au phénomène : le free. Evidemment ! Comment voulez-vous faire du fric avec une musique sans codes : impossible de dénaturer le free !
De tous temps les musiciens noirs ont protesté et milité contre cette récupération, à commencer par Duke Ellington, puis Miles Davis, et surtout Charlie Mingus. Mais c'est au moment de l'explosion du free que cette protestation s'est radicalisée, avec des théoriciens comme Leroi Jones et des musiciens tels que Cecil Taylor, Ornette Coleman et Archie Shepp, celui-ci déclarant alors : "Nous ne sommes pas de jeunes gens en colère, nous sommes enragés !"
Je n'ai pas encore eu l'occasion de parler d'Archie Shepp, ce musicien qui aurait pu devenir un géant du jazz et qui a cessé de faire de la musique intéressante dans les années 80, se recyclant dans un revival désespérément mainstream. Dans les années 60 et 70 c'était un artiste ayant une conscience politique exacerbée, incorporant des poèmes pour Malcom X à ses compositions, et jouant totalement free. Je ne dis pas que politiquement il ait changé, mais en tout cas il semble avoir compris qu'on ne s'enrichit pas en jouant du free toute sa vie.
Pour vous donner une idée de ce qu'il jouait en 1965, voici une version très inhabituelle et destructrice de "The girl from Ipanema", en plein boom de la Bossa-Nova, cette autre musique pour les blancs qui déferlait alors sur le monde et remplissait les tiroirs-caisses des grandes compagnies de disques :

6 commentaires:

  1. Hou là là !
    Un peu contestable tout ça sans être vraiment faux . Des noirs qui exploitaient la musique des noirs, dans la mesure de leur poids commercial et financier, il me semble qu'il y en a eu , aussi ...
    Bon sûr qu'au temps du swing les orchestres 'blancs' étaient suiveurs et sans grande saveur !
    Mais des orchestres noirs de qualité ayant un beaucoup de succès auprès des blancs, il y en a eu aussi : Count Basie en tête, qui d'un certain point de vue est à une des sources du cool.
    Cantonner la vague cool à un devoiement commercial blanc du Bop est quand même ahurrissant et un peu court même si la légende s'est emparé de Chet. Y'a pas que lui : le merveilleux Art Pepper, Bob Gordon, Bud Shank, Shelly Manne, Shorty Rogers ...
    Il se trouve , effectivement que cette musique est plus accessible , comme le pur new orleans au grand public.

    Bon c'est sûr que Stan getz a surfé , avec d'autres, sur la mode Bossa/Samba des années 60. Mais quelle classe, aussi ! Au même moment Mingus nous crache ses chefs-d'oeuvre . Avec une conscience et une démarche plus forte , oui .
    Mais on ne peut les opposer ni même les mêler de façon sommaire à cette logique et ces histoires de fric (et somme toute, sans aucune comparaison avec le fric qui se brasse aujoud'hui).
    D'ailleurs 'les noirs' ont également récupéré et dévoyé leur propre musique pour l'adapter au goût du public bariolé ... et faire du fric avec. C'est un gros progrès.

    L'argent n'a pas d'odeur. Ni de couleur. Les 'noirs' ont mené et mènent leur juste combat. Et Art Pepper n'a rien à voir directement à cela.

    Bon sinon , je suis d'accord avec vous. Bien sûr.

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  2. Simpliste.
    Le merveilleux Art Pepper n'a rien à voir avec la juste lutte des musiciens 'noirs'. Et cela n'enlève ni ne rajoute rien au genie musical de Mingus.

    A présent , les 'noirs' savent également récupérer et dévoyer leur propre musique pour faire du fric.
    C'est un réel progrès.

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  3. Partial et subjectif... J'assume !
    En ce qui me concerne, je m'intéresse peu au swing, et le cool jazz m'endort.
    Quant au fic, ce sont les producteurs qui s'en soucient, pas Chet Baker ou Art Pepper.

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  4. Bonjour,

    Pour Brubeck et Getz en bossa, je suis d'accord : un ou deux morceaux c'est sympathique, après c'est chiant à mourir.

    Mais Art Pepper c'est pas la même chose : c'est du bebop, avec en plus de la complexité harmonique, du tempo d'enfer et de la virtuosité technique, un type extraordinnaire qui met les tripes sur la table à chaque morceau.

    Je suis comme vous un adorateur absolu de Monk. Mais aussi un amoureux d'Art Pepper...

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  5. Voilà enfin un commentaire qui donne envie d'essayer ! Je n'ai entendu que des disques endormants de Art Pepper, pourtant considérés comme des chefs d'oeuvre (Art Pepper meets the Rythm Section, Art Pepper + eleven...), je n'attend qu'une chose : qu'on m'en recommande qui me fassent changer d'avis, j'ai l'esprit ouvert...

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  6. Pour moi, il est intéressant d'écouter l'Histoire du "peuple du Blues" contée par LEROY JONES AMIRI BARAKA dans le peuple du Blues.

    Plagiat il y a eu, comme en témoigne Gill Scott Heron dans la chanson "Ain't No New Thing" : Mort à tous les Paul Whiteman !!!

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