dimanche 23 septembre 2007

Ayler détendu, mais pas trop


Il n'existe pas, dans le free jazz, de musique allant plus directement au coeur que celle d'Albert Ayler. Elle est tout sauf intellectuelle, elle est même d'une simplicité désarmante, à base de fanfares et de spirituals, et ne doit rien au bebop. Pour autant, ce n'est pas une musique facile à écouter, il est possible qu'une écoute prolongée provoque même des saignements d'oreilles ! Le son d'Albert est énorme et son large vibrato tranche avec le style des saxophonistes de l'époque ; il pousse son instrument jusqu'à l'extrème : par moment on croit entendre la bagarre de deux souris surexcitées pour le dernier morceau de fromage sur terre. Ajoutez à cela une ferveur incroyable, confinant parfois à la violence, et un côté si trippant qu'on ne s'étonnerait pas de voir tourner des derviches sur cette musique. Imaginez l'incompréhension à laquelle il a dû faire face ! Ayler est l'artiste maudit par excellence. En plus, il est mort jeune, à 34 ans ; son corps fut retrouvé dans l'East River et la police conclut à une mort par noyade.
Coltrane fut l'un des rares parmi ses pairs à reconnaître son génie. Après l'avoir écouté fasciné, en Suède, il en fit son ami et l'aida notamment à obtenir un contrat de la firme Inpulse. A la mort de Trane en 67, selon les dernières volontés de celui-ci, il joue à son enterrement "The truth is marching in".
Aujourd'hui Albert Ayler occupe une bonne place au panthéon du jazz, son importance est reconnue, mais sa musique semble toujours aussi radicale. Oubliez tout ce que vous avez entendu, court-circuitez vos oreilles et écoutez cet extrait comme Albert le joue : avec ferveur.
Il s'agit de "The truth is marching in", tiré d'un concert au Greenwich Village. Si vous arrivez à l'écouter jusqu'au bout, vous serez pris.

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