mardi 11 septembre 2007

Ornette Coleman, le dynamiteur tranquille


Il est difficile de trouver un angle d'approche pour parler d'Ornette Coleman tant il est secret et discret. Il a mis le feu à la maison Jazz, a énormément choqué, tout en s'étonnant des réactions qu'il suscitait. Lui qui était la douceur incarnée s'est même fait casser les dents et écraser le saxophone à la sortie d'un club ! Quand j'entends dire qu'il a été ostracisé par ses pairs, j'acquiesce hélas ! Malgré tout cela, il est devenu une véritable icône du jazz et on lui attribue diverses paternités (en plus de celle du free jazz : celle du funk) qu'il n'a jamais revendiquées et dont il n'a jamais essayé de tirer les dividendes.
Il est aussi difficile d'inciter à écouter Ornette Coleman. Tout d'abord, son prénom fait penser à une contraction de Horner Yvette ! Ensuite, ce n'est pas un grand instrumentiste, et il donne même fréquemment l'impression de jouer faux et de manquer de respect vis-à-vis de son instrument : à ses débuts, il se produisait avec un saxophone en plastique blanc, ce qui n'incitait pas à le prendre au sérieux (Bird l'avait fait aussi pour le concert au Massey Hall, mais c'était parce que le sien était au clou et c'était tout ce qu'il avait pu trouver). J'ai mis du temps à l'apprécier à sa juste valeur : celle d'un immense compositeur et fournisseur de thèmes, souvent très gais et chantants, et celle enfin d'un incroyable novateur, le seul véritable depuis Parker et Gillespie.
Je ne conseille pas de l'aborder par l'inévitable "Free jazz" (1960) qui fit figure de manifeste ; il est certes étonnant mais c'est un disque auquel on ne s'attache pas, qui risque de décourager et dont la valeur est surtout historique. Commencez plutôt par "The shape of jazz to come" (1959) qui, tout en semblant très étrange et hors du temps, contient des airs qui vous resterons en tête, tel que "Lonely woman" en écoute plus bas ; ces airs sont des bouées auxquelles on peut s'accrocher pour éviter de perdre pied. Ensuite, une fois familiarisé avec son univers et après une éducation des oreilles, on peut se régaler avec "Chappaqua suite" (1965), "Science-fiction" (1971) ou "Skies of America" (oeuvre pour orchestre symphonique, 1972).
Pour résumer, la musique d'Ornette Coleman n'est pas comme celle de Coltrane, elle ne touche pas immédiatement, elle perturbe et bouscule, et si quand elle avance tu recules, comment veux-tu que... pardon, il est temps que j'arrête, il y a du dérapage dans l'air... En gros : elle se mérite et finit par récompenser l'auditeur persévérant.

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