vendredi 30 novembre 2007

Difficile, ça l'est. Si !

Pourquoi y a-t-il si peu de saxophonistes soprano ? Quelques éléments de réponse par Steve Lacy, le grand maître de l'instrument :

mercredi 28 novembre 2007

Chanson perpétuelle

Ernest Chausson est le roi de l'élégie. Autant dire que sa musique est rien moins que gaie. Elle est magnifique mais elle rendrait neurasthénique une armée de clowns ayant respiré du gaz hilarant. Pourtant Chausson est un joyeux luron : en plus de composer de la musique triste, il a monté un numéro comique avec ses amis Gérard Escarpin et Emile Mule, constitué de cascades à vélo, en tutu avec une banane dans chaque oreille (pour entendre la savane en stéréo). Ces facéties lui seront fatales puisqu'il décèdera d'un accident de vélo à 44 ans... C'est balot !
Trève de plaisanteries, sortez vos mouchoirs et écoutez-moi cette "Chanson perpétuelle", mise en musique d'un superbe poème de Charles Cros dont voici le texte :


Bois frissonnants, ciel étoilé
Mon bien-aimé s'en est allé
Emportant mon cœur désolé.
Vents, que vos plaintives rumeurs,
Que vos chants, rossignols charmeurs,
Aillent lui dire que je meurs.
Le premier soir qu'il vint ici,
Mon âme fut à sa merci;
De fierté je n'eus plus souci.
Mes regards étaient pleins d'aveux.
Il me prit dans ses bras nerveux
Et me baisa près des cheveux.
J'en eus un grand frémissement.
Et puis je ne sais plus comment
Il est devenu mon amant.
Je lui disais: "Tu m'aimeras
Aussi longtemps que tu pourras."
Je ne dormais bien qu'en ses bras.
Mais lui, sentant son cœur éteint,
S'en est allé l'autre matin
Sans moi, dans un pays lointain.
Puisque je n'ai plus mon ami,
Je mourrai dans l'étang, parmi
Les fleurs sous le flot endormi.
Sur le bord arrivée, au vent
Je dirai son nom, en rêvant
Que là je l'attendis souvent.
Et comme en un linceul doré,
Dans mes cheveux défaits, au gré
Du vent je m'abandonnerai.
Les bonheurs passés verseront
Leur douce lueur sur mon front,
Et les joncs verts m'enlaceront.
Et mon sein croira, frémissant
Sous l'enlacement caressant,
Subir l'étreinte de l'absent.

C'est beau non ? Une chose est sûre, Cros et Chausson font la paire !

dimanche 25 novembre 2007

Enjoy McCoy

En 1972, cinq ans après la mort de Coltrane, McCoy Tyner lui consacre un disque solo, "Echoes of a friend", qui est une pure merveille. L'un des plus beaux albums de piano solo que je connaisse. La musique est d'une densité incroyable : des basses profondes et enveloppantes, entourées d'arabesques cristallines. C'est un torrent, que dis-je ! un fleuve, une cataracte ! Cette musique n'est pas raisonnable, elle charrie bien trop d'émotion pour que je puisse garder mon calme ! Surtout n'écoutez pas ce disque avant de vous coucher : c'est nuit blanche assurée.
A condition de ne pas avoir la sensibilité d'un tatou atrophié, tous les morceaux sont susceptibles de vous mettre les nerfs en pelote, à commencer par le premier, que voici : Naima.

samedi 24 novembre 2007

Qui veut de l'émotion, Laura

Voilà une video pour fondre de plaisir : Errol Garner jouant Laura, dans son style surchargé d'arabesques, de trilles et d'arpèges, si personnel et unique en son genre.

Un inconnu vous offre un quatuor...

Cet inconnu c'est Alexis de Castillon. Difficile de trouver moins célèbre que cet élève de César Franck ! Il est mort de maladie à 35 ans et on trouve très peu de ses oeuvres enregistrées. Que quelqu'un s'y mette nom d'une pipe ! Un anglais, un japonais même, puisque les français s'en foutent ! La seule oeuvre que je connaisse de lui est ce magnifique quatuor pour piano en sol mineur opus 7, très inspiré de celui de Schumann dont j'ai déjà mis le mouvement lent en écoute. Depuis que je l'ai entendu à la radio je n'ai eu de cesse que de le trouver en disque, et ça n'a pas été facile. La version que j'avais entendue étais introuvable en CD ; heureusement, Virgin a sorti en 2005 un double CD "French piano quartets" par le quatuor Kandinsky, où il se trouve en bonne compagnie (Saint-Saëns, Chausson, Lekeu).
Voici, pour comparer à celui de Schumann, le mouvement lent de ce sublime quatuor :
Impossible de le retrouver, j'en suis désolé. Voici un tout aussi rare concerto pour piano, pour remplacer :

mercredi 21 novembre 2007

Frank pêche la tortue

En 1970, les Turtles se séparent et Frank Zappa engage Mark Volman et Howard Keylan dans ses Mothers of Invention. Pas besoin d'auditionner, il les connait déjà : les Turtles et les Mothers étaient potes. Pourtant... il y a autant de différences entre les Turtles (groupe de surf music ayant plusieurs hits à leur actif, dont le fameux "Happy together") et les Mothers (expérimentation à tout crin, pas de succès en radio) qu'entre :
- Francis Cabrel et Philippe Katerine
- Glenn Miller et Ornette Coleman
- Alexandre Jardin et James Joyce
- la poire et le fromage
- la saison des pluies et le quatorze juillet
Volman et Keylan sont de vrais showmen, comme Zappa les aime. Ils se produiront sous le nom de "The Phlorescent Leech & Eddie", transformé ensuite en "Flo & Eddie" et sortiront 7 albums sous ce nom. Je ne connais que le premier : "The Phlorescent Leech & Eddie" et je le recommande chaudement. Si vous aimez à la fois les Turtles et leurs bijoux pop (impossible de ne pas aimer !) , et Frank Zappa, ce disque est pour vous : c'est à la fois accessible et intelligent, et en plus, les musiciens sont excellents (une partie d'entre-eux a déjà joué avec Zappa, comme par exemple le batteur Aynsley Dunbar, ou le pianiste Don Preston).
En voici un extrait : "I've been born again"

Une vie toute droite

Freddie Hubbard jouant "Straight life", l'un des ses meilleurs morceaux, en 1975. C'est aussi l'occasion de voir jouer le fabuleux percussionniste Airto Moreira :

dimanche 18 novembre 2007

Quand vous en avez marre qu'on vous les breeze :

Gabor Szabo jouant "Breezin'", quelle merveille !
Comment ? C'est pas du jazz ?
On s'en pète les cacahuètes, c'est szi beau !

Sonate à creuser

Janacek occupe dans la musique tchèque à peu près la même position que Charles Yves dans la musique américaine, on leur a préféré dans leur pays un compositeur pompeux glorifiant la nation : Copland pour Yves et Smetana pour Janacek.
Janacek est Le génie de la musique tchèque, bien plus original que Dvorak dont il est le cadet d'une quinzaine d'années. En fait, il doit même être considéré comme un des grands de la musique du vingtième siècle, bien qu'il soit né en 1854 ; en effet, sa pleine période créatrice se situe vers la fin de sa vie, sa musique étant alors d'avant-garde mais d'une façon autre que celle de l'école dodécaphoniste. C'est surtout dans l'opéra qu'il a innové, en développant un chant très proche du langage parlé, tout en restant très mélodique. Son opéra "La petite renarde rusée" est une merveille de glorification de la nature, pleine de naïveté panthéiste ; une musique qui ne ressemble à aucune autre et qui vous reste longtemps en tête.
C'est par ses deux quatuors, "Sonate à Kreutzer" (d'après Tolstoï) et "Lettres intimes", que j'ai découvert Janacek et, dès lors, je ne l'ai plus quitté. Il a fini par prendre pour moi autant d'importance que Debussy.
Voici le premier mouvement du quatuor "Sonate à Kreutzer", une musique étrange, sensuelle, tantôt douce, tantôt brutale, dépourvue de toute pose intellectuelle, à l'image de la littérature tchèque :

samedi 17 novembre 2007

L'autre John C

L'été 1968, après deux albums essentiels du rock expérimental, "The Velvet Underground & Nico" et "White light/White heat", Lou Reed vire John Cale du groupe qu'ils avaient pourtant créé tous les deux.
Cale était responsable des éléments les plus expérimentaux de ces deux albums, notamment du fameux violon de "Venus in furs", l'un des plus fabuleux morceaux de l'histoire du rock. Il faut dire qu'il a travaillé avec LaMonte Young dans son Dream Syndicate où il a notamment cotoyé Tony Conrad. Pourtant, il faudra attendre son deuxième album pour retrouver cette veine ; entre temps, il aura sorti un bijou pop : "Vintage violence" que je recommande chaudement, c'est un pur chef d'oeuvre, bien plus intéressant que ce que le Velvet a enregistré après son départ.
Pour revenir à ce deuxième album, "Church of Anthrax", il s'agit d'une oeuvre commune avec le compositeur minimaliste Terry Riley, à dominante trippante et essentiellement instrumentale. Les deux premiers morceaux sont aussi fabuleux l'un que l'autre et j'ai un mal fou à choisir lequel je mets en écoute. Pile: "Church of Anthrax", face : "The Hall of Mirrors in the Palace at Versailles"... Pile !

mercredi 14 novembre 2007

Savez-vous vraiment qui est le patron ?

Il existe un malentendu en France à propos de Bruce Springsteen. Beaucoup l'ont découvert à la sortie de "Born in the U.S.A." et, ne connaissant que peu l'anglais, l'ont prise pour une chanson patriotique. En fait, cette chanson n'est pas aussi évidente qu'elle en a l'air, elle est difficile à chanter et les paroles ne sont pas simples. Elle commence par : "Né dans une ville paumée, j'ai reçu mon premier coup quand j'ai touché le sol. On finit comme un chien trop battu, passant la moitié de sa vie à s'en remettre". Elle évoque ensuite la guerre du Vietnam et ses conséquences sociales, et se termine par : "Près des torchères de la raffinerie, ça fait 10 ans que je m'use sur la route. Nulle part où s'enfuir, nulle part où aller... Je suis né aux Etats-Unis."
J'ai, moi aussi, découvert The Boss avec cette chanson et l'album du même nom, puis je suis remonté à la source. En fait, "Born in the U.S.A." était le dernier de ses très bons albums : les disques suivants sont décevants (excepté "The Rising", composé après le 11 septembre).
Springsteen est un artiste rare, combinant l'énergie des Stones avec des textes à la Dylan. Il est constamment excessif : il est capable de composer un disque avec une guitare sèche et un harmonica ("Nebraska"), complètement épuré, voire aride, aux textes magnifiques, ceci après un double album ("The River"), sur lequel il enchaîne cinq rocks, cinq ballades, cinq rocks... Ses concerts durent jusqu'à 3 heures et demie, aussi, lorsqu'il sort son premier live, c'est un triple album et on en a pour son argent !
Le succès est arrivé avec son troisième album : "Born to run" en 1975, mais pour moi, les meilleurs albums sont les deux premiers, parfaitement équilibrés entre rocks et ballades, plus festifs qu' héroïques dans les rocks, plus légers dans les ballades.
Voici un extrait du deuxième album, "The wild, the innocent & the E Street shuffle", une de ses plus belles ballades, intitulée "New-York City serenade" :

lundi 12 novembre 2007

Black is beautiful

Le jazz est la musique des noirs américains et, depuis le début, il a été récupéré et dénaturé par les blancs. Le but : faire du fric en adaptant cette musique si étrange aux gouts du public blanc, nourri de musique européenne et mal à l'aise avec les rythmes venus de l'Afrique. Evidemment, il ne s'agit pas de mettre tous les musiciens blancs dans le même panier, pour la plupart, ils le faisaient essentiellement par admiration pour la musique noire. Mais rapidement, les organisateurs de concerts, puis les producteurs de disques, ont amplifié le phénomène dans un but plus lucratif qu'artistique. Aux temps du swing, la plupart des orchestres blancs à succès jouaient un jazz très encadré, laissant peu de place à l'improvisation et à l'invention ; plus tard, en enlevant au bebop son côté tragique, pour ne pas dire destroy, le cool jazz et le west-coast jazz ont aussi eu beaucoup de succès auprès du public blanc ; Dave Brubeck et Chet Baker faisaient plus d'audience que Charlie Parker et Miles Davis ! Et la critique, essentiellement blanche aussi... suivait le mouvement. Un courant du jazz a échappé au phénomène : le free. Evidemment ! Comment voulez-vous faire du fric avec une musique sans codes : impossible de dénaturer le free !
De tous temps les musiciens noirs ont protesté et milité contre cette récupération, à commencer par Duke Ellington, puis Miles Davis, et surtout Charlie Mingus. Mais c'est au moment de l'explosion du free que cette protestation s'est radicalisée, avec des théoriciens comme Leroi Jones et des musiciens tels que Cecil Taylor, Ornette Coleman et Archie Shepp, celui-ci déclarant alors : "Nous ne sommes pas de jeunes gens en colère, nous sommes enragés !"
Je n'ai pas encore eu l'occasion de parler d'Archie Shepp, ce musicien qui aurait pu devenir un géant du jazz et qui a cessé de faire de la musique intéressante dans les années 80, se recyclant dans un revival désespérément mainstream. Dans les années 60 et 70 c'était un artiste ayant une conscience politique exacerbée, incorporant des poèmes pour Malcom X à ses compositions, et jouant totalement free. Je ne dis pas que politiquement il ait changé, mais en tout cas il semble avoir compris qu'on ne s'enrichit pas en jouant du free toute sa vie.
Pour vous donner une idée de ce qu'il jouait en 1965, voici une version très inhabituelle et destructrice de "The girl from Ipanema", en plein boom de la Bossa-Nova, cette autre musique pour les blancs qui déferlait alors sur le monde et remplissait les tiroirs-caisses des grandes compagnies de disques :

dimanche 11 novembre 2007

Le camarade Chostakovitch brouille l'écoute

Dmitri Chostakovitch est principalement connu du grand public pour une musiquette intitulée "Jazz suite", qui n'a de jazz que le nom et qui a servi pour une publicité ; affligeant, non ?
Qu'a-t-il fait d'autre ? La critique musicale considère qu'il y a deux aspects de l'oeuvre de Chostakovitch : les oeuvres personnelles et secrètes et les oeuvres de commande pour le parti communiste. Il faut dire que, contrairement à Stravinsky par exemple, il a choisi de rester en U.R.S.S. et a donc du composer avec le pouvoir (ses relations avec Staline sont très tendues) afin d'éviter d'être traîté comme un artiste "dégénéré".
Ses oeuvres personnelles (je veux dire sans contrainte) sont très sombres, à la limite du sinistre. Je leur préfère les oeuvres de commande qui, bien que décriées, me semblent plus intéressantes car elles offrent deux niveaux d'écoute. Prenons, par exemple la cinquième symphonie, elle est censée glorifier le communisme mais elle incorpore des éléments ironiques et grinçants qui détournent sans arrêt la musique de son but initial, tout en laissant à Staline l'impression que le cahier des charges est rempli.
Dans le premier mouvement, après un passage très violent, on entend monter le chant émouvant d'une petite flûte qui, pour moi, est le symbole de l'individu oppressé par le système ; on peut l'entendre dans ce premier extrait, vers 11'35 :

Le mouvement final, qui est supposé être une marche triomphale, est en fait un sommet d'hypocrisie, heureusement passé lui aussi inaperçu : il faut être débile mental, ou... chef de l'état, pour croire que cette musique glorifie le communisme.
Ecoutez la fin de la symphonie :

samedi 10 novembre 2007

Mon truc préféré

Encore une petite merveille : Coltrane jouant "My favorite thing", sa marque de fabrique, un standard dont le compositeur n'a aucune importance : Trane l'a tellement joué et réinventé qu'il se l'est complètement approprié. Ici, cerise sur le gâteau, le quartet est augmenté d'Eric Dolphy à la flûte. C'est à Baden Baden en 1961 1961 et c'est géant géant !

jeudi 8 novembre 2007

Symphonie en Ruth

Cette vidéo de Zappa a le mérite de nous montrer la percussionniste Ruth Underwood en action. Ruth fut l'une des pierres de touche de la musique du Zappa deuxième période ; période où il privilégie les qualités musicales de ses "Mothers of Invention" sur leurs qualités scéniques. Le groupe formé par Zappa à cette époque (à partir de 1970) est tout simplement époustouflant de maîtrise, ce qui permet à Frank de se montrer si détendu : regardez comme il sourit en jouant le morceau "Stink foot" (pied qui pue).

mercredi 7 novembre 2007

Cecil retourner maison

Inspiré par Monk, mais encore plus percussif avec le piano (limite maltraitance d' instrument !), voici Cecil Taylor, sur une autre planète que la nôtre, et même peut-être un autre espace-temps ; accrochez-vous, attention aux trous d'air, ça secoue !

Encore du Schubert... C'est plein de vitamines !

Finalement, j'ai trouvé sur You tube le fameux mouvement lent du quintette en ut. Malheureusement il est coupé en deux, mais pas n'importe comment quand même :

mardi 6 novembre 2007

Il fait chier ton Schubert !


C'est Depardieu qui crie ça à son fils dans "Trop belle pour toi" de Bertrand Blier. C'est un gag à répétition : il découvre Schubert au début parce que son fils en écoute, cette musique le chamboule et, petit à petit, il devient accro :
- "Tu veux du Schubert ?"
- "T'en as ?"
Moi aussi je suis accro à Schubert et je l'ai justement découvert par l'intermédiaire des musiques de films. Dans "Barry Lindon" de Kubrick on peut entendre des extraits du trio n°2 et, le plus beau : le mouvement lent du quintette en ut dans "Nocturne indien" d'Alain Corneau, un moment de grâce dans un film par ailleurs superbe de bout en bout. Ce quintette est le sommet de la musique de chambre, à égalité avec le Quatorzième quatuor de Beethoven ; malheureusement le mouvement lent est un peu long pour être écouté ici, et je me refuse à le couper, alors je me rabats sur quelque chose de plus court (et plus léger) : "Mélodie hongroise" D817, une mélodie qui a aussi été utilisée dans plusieurs films.

samedi 3 novembre 2007

Qui ne chante pas dans son bain ?

Que diriez-vous de retrouver Tom Waits chantant "Innocent when you dream" sur scène...debout dans une baignoire ?

Une petite remarque : cette chanson se retrouve dans le magnifique film "Smoke", ce qui le rend encore plus magnifique.

Monkstrueux !

Monk jouant "Epistrophy" au Danemark en 1966, un vrai spectacle à lui tout seul ! Observez son regard hagard, par moment il a l'air en transe. Et il sue... c'est qu'il fait chaud au Danemark ! J'adore aussi voir ses grosses paluches pleines de bagouzes s'écraser sur le piano ; tous les pianistes en herbe devraient apprendre à jouer comme ça, ils auraient tout de suite l'air moins guindés !

Mer calme et heureux voyage

La musique française de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle est très riche et malheureusement méconnue... en France, où on ne jure que par la musique allemande. Heureusement les anglais sont là pour sauver notre musique de l'oubli !
Autour de Fauré et Saint-Saëns, il existe une foule de compositeurs très intéressants ; autour de Debussy et Ravel aussi.
C'est le cas de Jean Cras (moi je dis Jean Cra, je me refuse à dire j'encrasse !). Jean Cras est né à Brest, et on trouve un monument à sa mémoire au bout du Cours d'Ajot. Contrairement à Albert Roussel, il n'a jamais abandonné son métier de marin et a même fini contre-amiral, major du port de Brest. Nul doute que s'il s'était consacré uniquement à la musique et installé à Paris, il serait devenu l'un des compositeurs français les plus renommés. Sa musique est de très haute tenue, proche de celles de Debussy et Ravel. Quant à moi, j'en suis profondément amoureux, et triste qu'elle ne soit pas plus jouée et reconnue.
L'extrait que j'ai choisi est le premier mouvement du trio de 1926, il m'évoque une mer d'huile, un matin d'été au lever du soleil. Tendez l'oreille, vous entendrez le violoncelle qui imite le moteur d'un bateau. Humez cette odeur, c'est le petit goémon qui sèche sur la dune.

vendredi 2 novembre 2007

L'espadon qui jouait du trombone

Tom Waits et Bruce Springsteen ont commencé au même moment, leurs premiers disques datent de 1973. Tous les deux sont des songwriters avec en plus une grande qualité : pour Bruce, l'énergie et pour Tom, l'inventivité. Springsteen est devenu l'icône du rock que l'on sait. Tom Waits est devenu... un génie !
Je reparlerais de Bruce plus tard, et surtout des fausses idées que l'on se fait de lui en France, but Tom doesn't wait. J'ai découvert Tom Waits avec l'album "Swordfishtrombones" en 1983, soit un an avant "Born in the USA" de Springsteen, et on peut dire que dix ans après leurs premiers disques, l'écart entre les deux artistes est devenu énorme. Après des débuts comme crooner un peu destroy, Tom Waits a carrément basculé dans l'underground, et c'est d'ailleurs le titre du premier morceau du disque. Tout cet album parait déglingué, à commencer par la pochette, et le nom qui me semble intraduisible (Google propose "espadon du trombone" en mot à mot, si quelqu'un peut éclairer ma lanterne , je suis preneur). L'ensemble baigne dans une ambiance de bric à brac de bruitages, de blues, de musique de bastringue ou de cirque, et semble contenir le monde entier, comme une symphonie de Mahler. A l'écouter attentivement, on se dit que, si manifestement beaucoup de fées se sont penchées sur le berceau du petit Tom, au moins l'une d'entre elles était bourrée, une autre camée jusqu'aux yeux et une troisième schizophrène. Quant à la voix de Tom, il l'a modelée jusqu'à l'extrème et lui fait subir ce que Coltrane faisait subir à son saxo : voix rauque, voix de velours, voix de fausset, c'est un instrument à part entière.
Choisir un morceau c'est trahir l'esprit de l'album, mais puisqu'il le faut, autant choisir "Swordfishtrombone" :

jeudi 1 novembre 2007

The Allman Brothers Band Live at Filmore East

J'envie ceux qui ne connaissent pas cet album et vont l'écouter pour la première fois : c'est l'un des plus grands live de l'histoire du rock par l'un des plus grands groupes de l'histoire du rock. Depuis que je le connais je n'est pas cessé de l'écouter et je ne m'en lasse jamais.
Comme son nom l'indique, le groupe des frères Allman est constitué entre autres... des frères Allman, enfin au moins jusqu'au 29 octobre 1971, date à laquelle Duane Allman meurt dans un accident de moto ; ensuite, le groupe gardera son nom mais ne comportera plus que l'un des frères : Greg.
Duane Allman est l'un des plus grands guitaristes de rock ayant jamais existé ; il ne peut se comparer qu'à Hendrix et au Clapton de la période Cream ; sa mort est une immense perte pour le rock. Son frère Greg est organiste et chanteur, et un sacré musicien lui aussi.
C'est en live que le groupe donne toute sa mesure, n'hésitant pas à étirer leurs morceaux jusqu'à plus de 20 minutes et à les truffer d'improvisations en trio : Duane, Greg et Dickey Betts (le deuxième guitariste) se renvoyant sans cesse la balle, toujours inventifs, très proches de l'impro jazz.
Le morceau que je mets en écoute est tout simplement mon morceau de rock préféré, le premier qui me viendrait à l'esprit, sans réfléchir : "In memory of Elizabeth Reed". Malgré ses 13 minutes, il me parait toujours trop court !

Ballades à la colle Trane

Longtemps les amateurs de Trane ont méprisé cet album. Pensez donc : Coltrane sans bruit ni fureur, facile à écouter, pourquoi pas du Stan getz tant qu'on y est ! Eh bien justement, Trane a avoué s'être inspiré de "The sound", mais cet album, s'il est paisible, n'en est pas pour autant détendu ; ces ballades sont déchirantes et touchent au sublime : c'est le vrai Coltrane tout entier et non une simple parenthèse commerciale.
Certes, commencer à écouter Coltrane par cet album c'est s'exposer à bien des surprises si l'on veut aller plus loin, mais ce n'est pas une si mauvaise idée ; poursuivez avec "Crescent" où vous trouverez aussi quelques ballades, embrayez sur "Africa/Brass" et sur "Olé" et voilà, vous êtes pris ! Cela vaut mieux, en tout cas, que de commencer par "A love supreme" qui est considéré, à tort à mon avis, comme le sommet de l'oeuvre coltranien et dont le mysticisme peut sembler un peu rébarbatif de prime abord.
Voici "Nancy (with the laughing face)", écoutez et fondez :